presse
Des photographes à l’Elysée
Après la remise du rapport Lescure (Culture Acte 2) *, Mme la ministre de la culture a demandé à Mr Brun-Buisson d’organiser une concertation et une médiation entre photographes de presse, agences de presse et éditeurs de presse afin de parvenir à la signature de codes de bonnes pratiques commerciales entre les partenaires d’ici le 31 décembre 2013.
Dans cette optique une réunion préalable a eu lieu le 11 juillet dernier à l’Elysée, à l’initiative de Mr Kessler (Conseiller culture et communication du Président), réunion avec PAJ, UPP, la FFAP (Fédération d’agences de presse), le Saphir (Syndicat des Agences de Presse Photographiques d’Information et de Reportage), Getty**, Nouvel obs, Abaca press ***, la Saif.
En fin de billet sur le site de l’UPP : "les organisations professionnelles représentatives des photographes ont demandé que les travaux des pouvoirs publics ne soient pas circonscrits au secteur de la presse".
Merci d’avoir pensé aux photographes qui ne sont pas photojournalistes ! Merci d’avoir pensé aux "vaches à lait" des agences photo d’illustration générale (agences qui nous piquent plus de 50% de nos droits d’auteur) et qui ont toutes créées une rubrique "libre de droits" dans la "mouvance microstock".
Ce qui pourri le système à la base c’est le "libre de droits" ! Ce qui nous élimine du marché c’est l’exacerbation de ce "libre de droits" avec le "modèle économique microstock" ! On a l’impression compte tenu de la rhétorique utilisée ****qu’il y aurait des photojournalistes et des créateurs (avec de la renommée) d’un côté, pouvant être protégé par un Code de bonnes pratiques où le "libre de droit" n’aurait pas trop de place, et de l’autre des "colorieurs" cotoyant en permanence cette casse du droit d’auteur qu’est "le libre de droit" !
Une base saine, "de bonnes pratiques commerciales", çà passe par la suppression du "libre de droits", la suppression du "modèle microstock" ! Et un % décent pour les photographes diffusés par les agences (agences de presse ou d’illustration générale). On peut rêver ! Ceci dit, peut-on encore rêver quant on nous a déjà enterré?
* Rapport qui préconise, entre autres :
Etablir sur la base d’une large concertation, un code de bonne conduite, encadrant l’utilisation des banques d’images et le recours à la mention "DR" ; conditionner les aides à la presse à un usage raisonné de la mention "DR" et à un approvisionnement auprès des agences coopératives, des collectifs de photographes et des indépendants.
** Getty qui diffuse en droits gérés et en "libre de droits" et qui possède des microstocks …
*** Abaca press a comme partenaire pour l’illustration Glow image (droits gérés, "libre de droits", plus une rubrique "microstock" sur leur site).
**** "un enjeu pour la qualité de l’information et pour le patrimoine national" (Rapport Mission Lescure). Quant à la lettre de mission de Mme la Ministre de la Culture, lettre adressée à Mr Brun Buisson, elle est dans une problématique essentiellement photojournalistique (étant donné ses interlocuteurs qui sont photojournalistes) : "… les professionnels, qui se sont adressés au ministère de la Culture et de la Communication pour faire part de leur grande difficulté, redoutent une mise en cause de l’existence même de la profession de photographe de presse, ce qui serait une atteinte grave au pluralisme et à la qualité de l’information…"
Les gardiens de l’ordre social existant
Les nouveaux chiens de garde.
Sortie en salles : 11 janvier 2012 (1h 44min).
Réalisé par Gilles Balbastre, Yannick Kergoat.
Documentaire qui reprend le livre les nouveaux chiens de garde d’halimi.
Les médias se proclament "contre-pouvoir". Pourtant, la grande majorité des journaux, des radios et des chaînes de télévision appartiennent à des groupes industriels ou financiers intimement liés au pouvoir. Au sein d’un périmètre idéologique minuscule se multiplient les informations pré-mâchées, les intervenants permanents, les notoriétés indues, les affrontements factices et les renvois d’ascenseur.
En 1932, l’écrivain Paul Nizan publiait Les chiens de garde pour dénoncer les philosophes et les écrivains de son époque qui, sous couvert de neutralité intellectuelle, s’imposaient en véritables gardiens de l’ordre établi.
Aujourd’hui, les chiens de garde sont journalistes, éditorialistes, experts médiatiques, ouvertement devenus évangélistes du marché et gardiens de l’ordre social. Sur le mode sardonique, LES NOUVEAUX CHIENS DE GARDE dénonce cette presse qui, se revendiquant indépendante, objective et pluraliste, se prétend contre-pouvoir démocratique. Avec force et précision, le film pointe la menace croissante d’une information produite par des grands groupes industriels du Cac40 et pervertie en marchandise.
Entretien avec Gilles Balbastre et Yannick Kergoat, extrait du dossier de presse :
est-ce que, dans une démocratie telle qu’on la souhaite, on admet que l’épouse d’un ministre en exercice soit nommée par le Président de la République à la tête de l’audiovisuel extérieur français ? Oui ou non ? Est-ce une bonne chose que les journalistes censés éclairer le jugement des citoyens fassent des ménages pour des entreprises privées ? Est-il normal qu’un petit cercle d’experts qui se cooptent et partagent les mêmes points de vue accaparent l’espace médiatique ? Faut-il s’accommoder du pouvoir des annonceurs ? Ce sont là des questions simples, auxquelles on doit répondre par oui ou par non.
Bande annonce et extraits sur allociné
Jacques Bouveresse, Karl Krauss, la presse
Schmock ou le triomphe du journalisme :
La grande bataille de Karl Kraus
Jacques Bouveresse
Editeur : Seuil (mars 2001), collection : Liber.
Karl Kraus (1874-1936) a publié à Vienne, depuis le début du mois d’avril 1899 jusqu’en février 1936, une revue satirique intitulée Die Fackel (Le Flambeau), dont il était au départ seulement l’éditeur-responsable et dont il est devenu à partir de 1912 le seul auteur. Pendant toutes ces années, les satires et les polémiques, parfois féroces, de Kraus ont visé essentiellement la presse, qu’il considérait comme responsable de la corruption en Autriche. A ses yeux, la presse, en particulier libérale, n’est qu’un auxiliaire dévoué et indispensable dans le système du marché universel qui est en train de s’instaurer. Et la corruption du langage, à laquelle elle contribue de façon essentielle, est indissolublement liée à la corruption morale elle-même, dont elle constitue le symbole par excellence. Il n’est pas exagéré de dire que Kraus a fourni la première critique des médias et des systèmes de communication moderne qui soit réellement à la hauteur du phénomène. Jacques Bouveresse analyse minutieusement cette critique du journalisme, pour en montrer la pertinence et la modernité.
Egalement de Jacques Bouveresse :
Satire & prophétie : les voix de Karl Kraus
Jacques Bouveresse.
Editeur : Agone (septembre 2007), collection : Banc d’essais
« Karl Kraus a inlassablement attaqué un mal auquel nous sommes exposés plus que jamais : la manipulation par le discours, le mensonge et la corruption de la langue, signe de la corruption de la pensée et du sentiment. Contre cette agression, il a forgé des armes terriblement efficaces et montré comment s’en servir. Son œuvre reste, comme le dit Elias Canetti, une « école de résistance ».
C’est à bien des égards notre époque, plutôt que réellement la sienne, que les descriptions et les polémiques de Kraus donnent l’impression de viser. Comme il le craignait, les exagérations d’hier sont si vite dépassées par les réalités d’aujourd’hui que la tâche du satiriste en devient de plus en plus problématique. La satire ne fait souvent qu’anticiper et annoncer ce qui fera demain l’objet d’un reportage dans les médias : elle a le sentiment d’essayer désespérément d’empêcher la réalité de lui donner raison.
Ce livre a été écrit pour montrer au lecteur d’aujourd’hui, sur quelques exemples précis, à quel point nous avons besoin en permanence – et en ce moment probablement plus que jamais – d’armes comme celles que Kraus nous a laissées. »
En philosophe qui pratique l’œuvre de Karl Kraus (1874–1936) depuis près d’un demi-siècle, Jacques Bouveresse éclaire ici le sens de sa pensée et de ses actions – ses conceptions sur le langage et la culture, ses choix et engagements politiques, son regard visionnaire sur la société moderne –, en s’appuyant sur les travaux les plus récents consacrés à l’auteur des Derniers Jours de l’humanité et de Troisième nuit de Walpurgis.
Professeur au Collège de France, Jacques Bouveresse a publié de nombreux ouvrages de philosophie du langage et de la connaissance mais aussi sur des écrivains comme Musil et Kraus.
La leçon de résistance de Karl Kraus
Sur Mediapart : Jacques Bouveresse : «La presse doit résister à la soumission».
…Il avait, du reste, compris également que la presse, qu’il percevait comme une auxiliaire dévouée dans le système du marché universel, était entraînée de façon à peu près inéluctable dans un processus de descente progressive et d’uniformisation finale au plus bas niveau…
Ambrose Bierce
La presse est souvent considérée comme le garant de la moralité publique. Pour quelle raison? Pour la raison qu’ elle papote de manière vague et générale à propos de la corruption officielle et proteste faiblement contre la malhonnêté privée.
…
Les journaux de cet Etat, comme la plupart des journaux partout ailleurs, témoignent d’une flagornerie toujours en éveil, … Il n’y a pas d’ignorance populaire trop profonde et obscure, de vanité ou de préjugé vulgaires trop déplaisants, de vice régional trop abject qu’ils ne caressent dans le sens du poil.
…
Le journaliste local moyen sait fort bien que, même si ses lecteurs ne sont pas indignés par son concert de louanges, si mauvais soit-il, ils ne supporteront pas que des ânes leur fassent la morale. Il écrit mal, mais il fait amende honorable en évitant les sujets interdits aux mauvais écrivains. Il a constaté que le grognement du lion est plus intéressant que le sifflement d’une oie. Il ne peut grogner, il ne siffle point, alors il caquette tout en voulant faire croire au public qu’il a pondu un oeuf.
…
La presse locale recherche un écrivain qui puisse être satirique sans offenser, spirituel sans rien dire d’exceptionnel et savant sans dépasser l’entendement de l’ignorant. Il ne doit pas avoir de préjugés, mais doit scrupuleusement respecter tous les préjugés d’autrui. Il ne doit pas aborder un sujet sur lequel deux hommes ne sont pas d’accord et ne pas ridiculiser un homme qui n’est pas emballé par le ridicule. S’il a du style, l’illetré le trouvera obscur; ses idées choqueront l’esprit superficiel. Dans les limites d’un profond respect pour l’ordre établi, il pourra se montrer aussi sarcastique qu’il le veut, sans jamais oublier qu’il vit dans un monde d’imbéciles, de courtisanes et de brigands qui n’apprécient guère qu’on leur règle leur compte à coups d’articles tranchants.
Ambrose Bierce, Mauvaises pensées, le cherche midi, 2003.
La photo mondialisée, la photo entre les mains des fonds de pension
Sur le site Acrimed (site de réflexion critique sur les médias), un article intéressant d’ un photographe, sur la photographie de presse, partant d’un numéro de la revue Politis qui utilise en couverture une photo d’un mastondonte de l’image qui appartiens à un fonds de pension (démarche curieuse pour un média de gauche qui parle de changer la société), il en viens à la question suivante :
Ne retrouve-t-on pas dans le monde de la photographie et de la presse, des producteurs isolés, un marché globalisé, des prix de rémunération imposés par des intermédiaires et des acheteurs peu regardants sur les conditions de production ? Bref, des caractéristiques qui se répandent partout depuis que la « globalisation » ou la « mondialisation » ont hissé les « économies d’échelles », le « discount », le « low cost », en valeur en soi qui, dans le cas de la photographie, transforment un artisanat en terrain de stratégies financières ? Acrimed
Depuis, mettons 2005, la réponse à cette question est : oui ! Nous sommes dans la financiarisation ! La problématique formulée sous forme de question relève d’une certaine prudence qui n’ a plus lieu d’être. Le temps de poser des problématiques prudentes est dépassé ! Comme dirait La Boétie : «Ils ne sont grands que parce que nous sommes à genou.».
Le marché de la photo est déréglementé, mondialisé, c’est clair et net ! Et ce dans l’intérêt des structures les plus capitalistiques, structures qui n’ont aucun complexe à exploiter les travaux des amateurs via les microstocks et autres. Même les structures publiques leur donnent un coup de main en utilisant les visuels à 3 francs 6 sous, c’est dire la régression sociale dans laquelle nous sommes …
Et c’est ainsi qu’au lieu d’un paradis je découvris l’aride désert du commerce. Je n’y aperçus que de la bêtise, sauf en ce qui concerne les affaires. Je ne rencontrai personne de propre, de noble et de vivant…Tout ce que je trouvai fut un égoïsme monstrueux, sans coeur, et un matérialisme grossier et glouton, aussi pratiqué que pratique. Jack London, Le Talon de fer.