Révoltes, révolutions : le déclencheur ?
Un débat à Lyon (12 janvier 2012) sur le thème : "Quand le peuple agit : révoltes, révolutions, réformes" avec Paul Jorion (Chercheur en sciences sociales), Nicolas Baverez (Historien, économiste) et Sophie Wahnich (historienne de la Révolution française, directrice de recherche au CNRS).
Que demande le peuple? Comment cette demande du peuple se présente? A quel moment cette demande se transforme t’elle en révolte ou en révolution ? … Il y a révolution quant les tentatives populaires pour obtenir des réformes ne sont pas entendues … Sophie Wahnich.
La guerre civile numérique, Paul Jorion, Régis Meyran, Textuel (2011).
Postface : Pour Paul Jorion, nous sommes entrés dans une période pré-révolutionnaire, à un niveau planétaire. Face au nouvel ordre capitaliste mondial, mis en place par les grandes banques, le mécontentement populaire s’amplifie. Une situation qui pourrait mener de nombreux pays, y compris occidentaux, aux bords de la guerre civile. Aux quatre coins du globe, des groupes d’individus de plus en plus nombreux ne supportent plus les injustices engendrées par la domination d’une poignée de dirigeants, et organisent des formes de résistance par le biais de l’Internet. C’est le cas des Anonymous, ces cyber-vengeurs masqués qui prirent la défense de WikiLeaks en attaquant les sites Paypal ou Mastercard, et prêtèrent également main-forte aux révolutions tunisiennes et égyptiennes. En quoi l’utilisation des réseaux sociaux facilite-t-elle les actes insurrectionnels ? Comment les cyber-résistants s’opposent-ils à la surveillance généralisée des Etats et des grandes entreprises sur la toile ? En quoi cette guerre est-elle un affrontement entre générations ? Quels sont les points communs et les différences entre ces insurrections numériques et des événements comme la Révolution française, la crise des années 1930, voire la chute de l’empire romain ? En anthropologue, en économiste et en blogueur, Paul Jorion répond à ces questions, à partir de l’analyse des mécanismes historiques de la crise financière mondiale et du ressentiment populaire qu’elle a engendré. Il revient également sur son parcours intellectuel et professionnel, et sur la création de son blog, grâce auquel il a pu constituer un véritable laboratoire d’idées.
La longue patience du peuple : 1792, naissance de la République de Sophie Wahnich, Payot (2008).
Postface : Longtemps la politique révolutionnaire a été saisie sous la métaphore du théâtre. Sophie Wahnich propose de l’appréhender sous celle de l’opéra. Elle redonne ainsi à ceux que l’on a trop vite considérés comme spectateurs de la politique agie par des représentants, la voix de leur pouvoir souverain. Cette voix est celle d’un peuple patient, amoureux de la vie paisible et juste, capable de faire parler les corps et d’articuler ses revendications avec intensité. Ses émotions témoignent non d’une versatilité sans fin mais d’une faculté de juger les situations à l’aune d’un désir de justice qui va jusqu’à l’exigence de la loi. Pourtant une dynamique infernale mène à l’insurrection du 10 août, à l’abolition de la royauté, à la naissance traumatique de la République. Amnistie de la fuite du roi, oubli de la fusillade du champ de Mars, fausse concorde, manœuvres dilatoires de représentants qui restent sourds aux alarmes et aux espoirs exprimés dans un vaste mouvement pétitionnaire, n’en finissent pas de mettre à l’épreuve " la longue patience du peuple ". Pour obtenir justice ou simplement reconnaissance de sa souveraineté, le peuple hausse le ton, puis reprend " le glaive de la loi ". Alors qu’il avait rêvé d’une révolution économe du sang versé, il est acculé à une violence dont il ne voulait pas, mais qu’il assume dans le deuil. Sophie Wahnich renverse l’ordre des responsabilités quand la violence surgit. Ce n’est plus le peuple qui laisse se déchaîner la violence, ce sont des représentants indifférents et inconscients qui le poussent à faire usage de la violence comme seul langage audible et irréversible. A ce titre, cet ouvrage marque une coupure salutaire avec l’histoire refroidie prônée par François Furet et ses partisans.
Après le déluge, Nicolas Baverez, Librairie Académique Perrin ( 2011).
Postface : La chute de la banque Lehman Brothers, le 15 septembre 2008, a déclenché le Pearl Harbour du capitalisme mondialisé. Elle a amorcé une révolution non pas seulement financière mais économique et intellectuelle, avec la remise en question de nombre des principes qui structurent notre monde depuis trois décennies : la rationalité et l’autorégulation des marchés, le désengagement de l’Etat, le primat de la politique monétaire, la garantie de sécurité qu’apportaient les Etats-Unis à l’économie. Mais le plus difficile commence avec la sortie de crise qui exige des solutions neuves pour la structure universelle inédite du capitalisme, dont le centre bascule vers l’est et le sud. Nicolas Baverez explique ainsi que de nouveaux équilibres doivent être imaginés entre la finance et l’industrie, le capital et le travail, l’Etat et le marché. De la capacité des nations à acclimater cette nouvelle donne dépendra leur hiérarchie dans la configuration multipolaire, hétérogène et instable du XXIe siècle. Face aux excès qui menacent de migrer de la bulle financière vers l’extrémisme politique, il faut moins moraliser le capitalisme que le réformer, moins condamner le marché que le doter d’institutions et de règles qui permettent de le stabiliser, moins réhabiliter l’Etat qu’instituer la balance et la modération des pouvoirs dans l’ordre économique comme dans l’ordre politique, au sein des nations comme dans la gouvernance mondiale qui point.
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